La musique jazz, avec sa richesse et sa complexité, a toujours été un domaine fascinant pour l’analyse et l’exploration. Cet article se concentre sur la cartographie des collaborations entre musiciens de jazz. Il s’agit d’une initiative qui remonte à plus de 15 années et qui visait à analyser une base de données d’enregistrements musicaux s’étendant de l’illustre « Lady Day » de Billie Holiday à des œuvres plus récentes comme « Soul on Soul » de Dave Douglas et « Trio 99-00 » de Pat Metheny.
La base de données
La base de données couvre une période significative de l’histoire du jazz, avec des enregistrements allant de 1935 à 2000. Elle offre une perspective globale sur l’évolution du genre, mettant en lumière les tendances et les transitions au fil du temps.
La base comprend 12 003 enregistrements et compte un total de plus de 16 000 musiciens. La base n’a pas été entièrement nettoyée, ce qui entraîne la présence d’homonymes et de variantes d’écriture.
Les musiciens les plus prolifiques
Parmi les trésors de cette collection, certains artistes se distinguent par leur prolifique contribution. Oscar Peterson, par exemple, compte 98 albums à son actif, suivi de près par Sonny Stitt avec 85 albums. Miles Davis, Art Blakey, Dizzy Gillespie, John Coltrane, Dave Brubeck, Chet Baker, Bill Evans et Jimmy Smith figurent également parmi les plus productifs.
Les musiciens les plus collaboratifs
La collaboration est une composante essentielle du jazz. Dans cette base de données, Ron Carter et Ray Brown se démarquent avec respectivement 287 et 257 collaborations. Sam Jones, Paul Chambers, Hank Jones, Kenny Burrell, Tommy Flanagan, Oscar Peterson, Clark Terry et Kenny Barron sont également des figures centrales en termes de collaboration.
L’image est un graphe de réseau qui illustre les relations entre le top 100 des musiciens de jazz présents dans la base de données. Chaque point (ou nœud) en rouge représente un musicien, et chaque ligne (ou arête) qui connecte deux points représente une relation entre ces musiciens. Les noms écrits près des points nous indiquent l’identité des artistes.
Plus un musicien a de lignes qui partent de son nom, plus il a collaboré avec d’autres musiciens. Cela peut indiquer non seulement l’influence d’un musicien mais aussi sa centralité dans le réseau du jazz.
Les musiciens avec le plus de connexions peuvent être considérés comme des « hubs » ou des points de connexion clés dans le réseau. Ils ont peut-être joué dans de nombreux ensembles différents ou ont été des leaders de groupe recherchés. Les musiciens moins connectés pourraient être des spécialistes ou des artistes de session qui ont collaboré de manière plus sélective.
Cette cartographie peut également montrer des sous-groupes de musiciens qui ont tendance à jouer régulièrement ensemble, souvent en raison d’appartenances à des sous-genres spécifiques du jazz ou à des époques particulières au sein de l’histoire du jazz. Par exemple, les musiciens de l’ère bebop pourraient être plus connectés entre eux qu’avec ceux de l’ère swing ou du jazz fusion.
Pour en savoir plus sur l’application utilisée à l’époque pour ces premiers réseaux https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/9781118599761.ch9
Analyse du réseau de Miles Davis (exemple)
Miles Davis, un légendaire trompettiste de jazz, était connu pour ses nombreuses collaborations influentes. La base de données révèle des collaborations avec divers artistes sur plus de 100 albums.
En jaune/orange années 1940 : 7 albums, marquant les débuts de sa carrière : Miles Davis collabore avec Kai Winding, Junior Collins, Gunther Schuller, Bill Barber, Al Haig, John Lewis, Al McKibbon, Nelson Boyd, James Moody, Tadd Dameron, Barney Spieler, Howard McGhee, Shorty Rogers…
En vert années 1950 – 38 albums – Bebop et Naissance du Cool Jazz : durant cette période, Miles Davis collabore avec des musiciens comme Sonny Rollins, Julian « Cannonball » Adderley, Bill Evans et John Coltrane. Ces collaborations ont aidé à définir le son du jazz moderne et ont ouvert la voie à de nouvelles explorations musicales.
En rouge les années 1960 – 24 albums – transition vers le jazz modal et le début de l’ère électrique : dans les années 1960, Miles Davis s’oriente vers le jazz modal et commence à expérimenter avec des éléments électriques. Il travaille avec des musiciens comme Herbie Hancock, Wayne Shorter, George Coleman, Chick Corea, John McLaughlin, Keith Jarrett, Tony Williams, Joe Zawinul, Dave Liebman et Kenny Garrett. La découverte de la musique de Jimi Hendrix et le choc du festival de Newport en 1969 ont joué un rôle clé dans cette évolution, menant Davis à devenir un pionnier du jazz fusion.
En bleu les années 1970 -12 albums – période du Jazz Fusion et Expérimentations : pendant cette période, Miles Davis continue à repousser les limites du jazz, mélangeant des éléments de rock, funk et musique électronique. Ses collaborations avec les musiciens précédents ont conduit à la formation de groupes emblématiques de jazz fusion comme Weather Report (Wayne Shorter et Joe Zawinul), Mahavishnu Orchestra (John McLaughlin), Return to Forever (Chick Corea) et divers groupes dirigés par Herbie Hancock
En violet années 1980 : 6 albums, continuation du jazz fusion et expérimentations. Collaboration avec des musiciens tels que Mike Stern, Marcus Miller, Sammy Figueroa, Mino Cinelu…
Années 1990 : 1 album, fin de sa carrière.
Application de la cartographie dans l’industrie musicale
L’étude de cette cartographie offre des perspectives pour divers acteurs de l’industrie musicale. Les maisons de disques peuvent l’utiliser pour identifier les artistes les plus prolifiques et les plus collaboratifs, les agents et promoteurs de spectacles pour planifier des événements attractifs, et les plateformes de streaming pour affiner leurs recommandations musicales.
Les artistes, compositeurs, et managers d’artistes peuvent également tirer parti de cette cartographie. Elle permet d’identifier des partenaires de collaboration potentiels, de suivre les tendances musicales, et de développer des stratégies de carrière éclairées.
Au-delà des professionnels de la musique, cette cartographie peut être précieuse pour les éditeurs de musique, les studios d’enregistrement et les amateurs de jazz. Elle aide à gérer les catalogues et les droits d’auteur, à cibler des projets potentiels et à découvrir de nouveaux artistes et tendances musicales.
Autres secteurs : Partenariats, Recherche, Marketing, RH
La cartographie de données ne se limite pas à l’industrie musicale. Elle offre également des perspectives intéressantes pour les entreprises et les professionnels dans divers domaines, allant de l’analyse des collaborations commerciales à la gestion des ressources humaines. Dans cet article, nous présentons les multiples applications de la cartographie, démontrant comment elle peut être un outil précieux pour améliorer la compréhension du marché, optimiser les opérations et prendre des décisions plus éclairées. Nous essayons ainsi de mettre en lumière sa polyvalence dans le monde des affaires et de la recherche. Voici des applications potentielles :
Analyse de la collaboration et des partenariats : de la même manière que les musiciens ont collaboré sur des albums, les entreprises peuvent analyser les collaborations et les partenariats avec d’autres entreprises pour identifier les partenaires les plus fréquents et les plus productifs. Cela peut aider à renforcer les relations commerciales stratégiques.
Analyse des tendances de recherche : comme dans le cas de la cartographie des enregistrements de musique jazz sur une période donnée, il est possible d’analyser les tendances de recherche au fil du temps en examinant les articles publiés. Cela permet d’identifier les sujets de recherche émergents et les domaines qui ont gagné ou perdu en importance au fil des ans.
Concernant la recherche il est également intéressant d’analyser la configuration et l’évolution d’un laboratoire ou d’un institut de recherche en se basant sur l’exploration de leurs publications, ou bien encore le positionnement des instituts de recherche dans une perspective internationale.
Analyse des collaborations interdisciplinaires : en examinant les collaborations entre chercheurs de différentes disciplines, on peut identifier les domaines interdisciplinaires émergents.
Analyse des tendances temporelles : les entreprises peuvent analyser les données historiques pour identifier les tendances sur une période donnée et utiliser ces informations pour orienter leurs décisions futures.
Gestion des talents et des ressources humaines : les entreprises peuvent utiliser des données similaires pour évaluer la contribution et la collaboration des employés, identifier les compétences clés et les besoins en formation, et prendre des décisions éclairées sur la gestion des talents.
Lutte contre la fraude : la cartographie de données est également un outil puissant dans la lutte contre la fraude. Le sujet devient plus complexe. Dans un contexte de sécurité, l’IA appliquée à la cartographie du web et à la SNA peut détecter des comportements anormaux ou dangereux, comme la propagation de fausses nouvelles ou d’activités cybercriminelles.
Autres applications : analyse des médias, cartographie des controverses et analyse textuelle
Conclusion
Au travers des différents exemples, nous avons montré comment la cartographie de données peut aider les entreprises à mieux comprendre leurs données, à identifier des tendances et à prendre des décisions plus éclairées dans divers domaines, de la gestion des partenariats à la gestion des ressources humaines, en passant par l’amélioration de la qualité des données.
Dès la phase de déduplication et de nettoyage de données l’intégration de l’IA est un atout considérable.
Élargir l’intégration de l’IA dans la cartographie du web et la SNA ouvre des perspectives exceptionnelles pour l’analyse, la compréhension et l’interaction avec les réseaux sociaux, ayant un impact sur de multiples aspects de la société moderne.