La fidélisation est aujourd’hui le centre d’intérêt de très nombreuses entreprises. Nous définirons ici le concept de fidélisation du consommateur avant d’examiner les motivations d’une entreprise pour engager une politique de fidélisation.
Définition
Les principales théories de l’apprentissage
Si la réflexion sur la fidélité des individus aux marques a été développée très tôt et a abouti depuis plusieurs années à une définition permettant de dégager les deux composantes de la fidélité : comportementale et attitudinale, l’étude de la fidélité des entreprises clientes aux entreprises fournisseurs n’a pas suivi le même développement.
Deux grandes approches se distinguent en matière de fidélité à la marque : l’approche béhavioriste et l’approche cognitiviste.
Nous présenterons tout d’abord la perspective béhavioriste, avant d’analyser l’approche cognitiviste mieux adaptée pour définir la fidélité des clients.
- L’approche béhavioriste :
La théorie du conditionnement a servi de base aux premières définitions de la fidélité à la marque. La fidélité à la marque est constatée par l’observation du comportement du consommateur et le réachat régulier de la marque s’explique par le seul effet du conditionnement : « un consommateur est fidèle lorsqu’il achète régulièrement la même marque »[1].
Pour l’approche béhavioriste, la fidélité est définie « par une séquence ininterrompue d’achats de la même marque. La fidélité est alors mesurée à partir d’un nombre minimum de réachats de la marque (trois ou quatre selon les auteurs) »[2].
- L’approche cognitiviste :
L’approche cognitiviste, quant à elle, en insistant sur le fait que la dimension attitudinale est un déterminant de la dimension comportementale et en intégrant l’importance de l’attitude dans le processus de décision, définit la fidélité de la manière suivante : « le consommateur est fidèle à la marque lorsqu’il achète régulièrement et qu’il a développé à son égard une attitude favorable. » (J.N. SHETH, 1968).
On admet, ainsi, que « la fidélité s’exprime par des comportements de consommation et s’explique par les attitudes favorables des consommateurs » (TRINQUECOSTE, 1996).
De plus, et bien qu’il soit dangereux de généraliser au business to business l’ensemble de ces études réalisées sur la marque, il est communément admis qu’un « concept analogue à celui de la fidélité à la marque pour le marketing industriel est la fidélité aux fournisseurs » (GENSCH, 1984).
Cependant une entreprise peut également avoir, en tant que client, un comportement d’achat particulier témoignant de sa fidélité (dimension comportementale), ainsi que des attitudes positives à l’égard de son fournisseur (dimension attitudinale).
Les attitudes & la dépendance
Les attitudes
Trois variables apparaissent dans les études sur la fidélité et il est généralement admis que « la confiance, l’engagement dans la relation d’échange, et la satisfaction vis-à-vis des performances, constituent les caractéristiques d’une bonne relation client – fournisseur » (HAN, WILSAN et DAN 1993)
- La confiance :
La notion de confiance ayant suscité de l’intérêt dans les différents domaines de recherche que sont la sociologie, l’économie et le marketing, chaque discipline en a donné sa définition.
Nous retiendrons la définition de MOORMAN, ZALTMAN et DESPHANDE : « la confiance est la volonté de se fier à un partenaire d’échange en qui l’on croit ». Il s’en suit que la confiance résulte alors de l’expertise du partenaire, de sa fiabilité et de ses comportements antérieurs et, qu’en retour, l’acheteur peut en affecter son comportement d’achat.
Cependant, s’il est admis que la confiance est une condition nécessaire de la fidélité du client, différentes approches, dont celle de DONEY & CANNON (1997), ont mis en évidence que la confiance est une condition nécessaire mais non suffisante à la fidélité du client.
- L’engagement :
En nous ralliant au courant de recherches le plus développé, nous retiendrons la définition suivante de l’engagement : « accord implicite ou explicite de développement d’une continuité relationnelle entre les deux parties de l’échange » (DWYER, SCHURR et OH. 1987). L’engagement, en tant qu’état psychologique influençant le comportement du client est, comme la satisfaction, un élément essentiel à la relation de fidélité.
Néanmoins, et comme pour la confiance, ANDERSON, ROOS et WEITZ (1996) ont mis en évidence que l’engagement est une condition nécessaire mais non suffisante à la fidélité du client.
- La satisfaction :
De nombreuses recherches ont étudié le lien entre satisfaction et fidélité et la plupart des auteurs s’accordent à penser que « les consommateurs seront d’autant plus enclins à être fidèles que leur satisfaction augmentera » (ANDERSON et SULIVAN, 1993), que la satisfaction est une variable clef dans l’apprentissage du comportement d’achat et dans la formation des habitudes (HOWARD et SHETH, 1969) et ils se rallient à la définition suivante : la satisfaction découle d’un processus de comparaison entre les résultats obtenus de l’usage ou de la consommation du produit/service, et un standard de référence donné.
Autour de la notion de satisfaction, la littérature marketing introduit celle de la qualité et celle de la valeur.
- Les dimensions de la qualité de service :
Le contrôle de la qualité d’un service est une tâche complexe du fait de son caractère intangible (LAMBIN, 1987).
Les travaux empiriques réalisés par P. EIGLIER et E. LANGEARD (1977), et par A. PARASURAMAN, V. ZEITHAML et L. BERRY (1990) ont permis d’identifier dix facteurs qui déterminent les perceptions de la qualité d’un service. On parlera dès lors de qualité perçue. La qualité des services est définie comme étant la différence entre les attentes du client et la prestation effective telle qu’il la perçoit. Ces dix facteurs sont décrits ci-après :
- Compétence : il s’agit du professionnalisme de l’organisation et du personnel en contact.
- Fiabilité : L’entreprise honore complètement et toujours les engagements pris.
- Réactivité : le système n’est pas paralysé par des demandes qui sortent des normes et des habitudes.
- Accessibilité : les membres de l’organisation sont directement accessibles et de contact facile et agréable pour le client.
- Compréhension : l’organisation s’efforce de comprendre les besoins spécifiques du client et de s’y adapter le mieux possible.
- Communication : l’organisation veille à garder les clients informés du contenu précis de l’offre de service.
- Crédibilité : cette caractéristique souligne l’importance de la notoriété, de la réputation, de la garantie de sérieux et de l’honnêteté de l’organisation.
- Sécurité : les clients sont à l’abri de tout risque (physique, financier ou moral)
- Courtoisie : l’ensemble du personnel en contact entretient vis-à-vis des clients des relations empreintes de cordialité, de politesse et de considération.
- Tangibilité : l’organisation s’efforce de matérialiser les services offerts en créant des substituts à l’intangibilité des services offerts.
L’échelle SERVQUAL de mesure de la qualité perçue d’un service développée A. PARASURAMAN, V. ZEITHAML et L. BERRY (1984) s’appuie sur les dix facteurs décrits ci-dessus et retient cinq dimensions déterminant cette perception:
- Les éléments tangibles (installations, apparence du personnel…),
- La fiabilité (la capacité perçue de l’institution à réaliser le service promis),
- La serviabilité (l’empressement du personnel à fournir le service)
- L’assurance (la courtoisie des employés et leur capacité à inspirer confiance)
- L’empathie (le caractère individualisé de l’attention portée par l’entreprise à chaque client)
La qualité des services est définie dans la méthode SERVQUAL comme la différence entre les attentes du client et sa perception du service sur chacune des cinq dimensions de l’échelle.
Précisons cependant que l’échelle SERVQUAL est l’objet de critiques liées en particulier à la place des variables « attentes » et « perceptions » par rapport aux concepts habituellement retenus pour analyser les comportements, et notamment les composantes de l’attitude[3].
Si qualité perçue et satisfaction sont deux construits qui se ressemblent, différents auteurs dont DABHOLKAR (1993) ont proposé la séparation en une perspective de transaction et en une perspective globale : la satisfaction concerne chaque transaction spécifique et la qualité perçue est un jugement global sur une entreprise (somme de chaque jugement respectif au cours du temps).
- La satisfaction et la valeur :
Si A. PARASURAMAN, V. ZEITHAML et L. BERRY (1994) sont d’avis que la satisfaction vis-à-vis d’une transaction de service se base sur les évaluations de la qualité du service, la qualité du produit et du prix, K. RUYTER, J. LEMMINKet J. MATTSON (1997) précisent que la prise en considération de la notion de prix dans le processus de formation de la satisfaction implique de considérer la valeur comme une troisième composante évaluative des clients.
La qualité est un antécédent de la valeur, et la valeur, en liaison avec le prix, un antécédent cognitif de la satisfaction (K. RUYTER, J. LEMMINKet J. MATTSON, 1997)
Comme pour la confiance et l’engagement, d’autres recherches dont celles de J. DUFER et J-L MOULIN ont mis en évidence que le fait d’être satisfait ne suffisait pas pour qu’un client soit fidèle : la satisfaction est une condition nécessaire mais non suffisante à la fidélité du client.
La dépendance
La dépendance est une variable récurrente dans la littérature sur la fidélité du client en tant que facteur potentiel d’influence sur la relation client – fournisseur. La dépendance d’une partie envers l’autre est définie par EMERSON (1962) comme étant à la fois un investissement motivé dans la relation et une fonction du caractère remplaçable de son partenaire.
La notion de dépendance prend dès lors deux dimensions :
– La première correspond à la dépendance désirée et bilatérale. Dans ce cas, client et fournisseur développent des liens forts qui reposent sur « l’équilibre, l’harmonie, l’équité et le support mutuel » (OLIVER, 1990). La littérature mentionne alors les termes de coopération, d’interdépendance et de partenariat ; coopération dont RING et VAN DE VEN (1994) soulignent qu’elle va diminuer la propension des entreprises à mettre un terme à la relation.
– La seconde repose sur la difficulté d’une des parties à remplacer son partenaire, difficulté qui se traduit par une contrainte : celle de maintenir la relation. Cette dépendance est alors unilatérale et synonyme de « coercition, conflit et domination » (OLIVER, 1990). Dans ce cas, nous parlerons de dépendance non partagée ; dépendance asymétrique, qui, comme l’ont souligné E. ANDERSON et B. WEITZ (1992) peut conduire à des stratégies opportunistes de la part des partenaires les moins engagés et qui, d’après, I. GEYSKENS, J-B STREENKAMP, L. K. SCHEER et N. KUMAR (1996), aura pour effet de réduire l’engagement du client ainsi que sa satisfaction vis-à-vis de la relation.
Motivations et Composants fidélisant d’une approche relationnelle
Avant d’examiner les étapes et les éléments indispensables à la mise en place d’une approche relationnelle dans une optique de fidélisation, il convient de connaître les motivations d’une entreprise pour engager une politique de fidélisation.
Pourquoi est-il important de fidéliser
Les raisons de fidéliser dans la distribution informatique sont avant tout d’ordre économique : le renforcement de la capacité d’une entreprise à fidéliser ses clients lui permet d’augmenter sa rentabilité commerciale. Pour l’entreprise, l’objectif de la fidélisation est de consolider son chiffre d’affaires et d’optimiser le volume de ses ventes auprès de tous ses clients.
L’amélioration de la fidélisation permet d’augmenter la rentabilité car :
- Le coût d’acquisition d’un client est 5 fois plus cher que le coût de rétention d’un client et que le coût de reconquête d’un client perdu est 3 fois plus élevé que son coût de rétention (DAVID FREEMANTLE, 1998)
- Avec le temps, un client satisfait s’avère de plus en plus rentable quel que soit le secteur d’activités. L’ensemble des données qui influe sur sa rentabilité évolue et progresse : il achète plus et plus souvent ; satisfait, il en parle autour de lui, et devient prescripteur.
- Les coûts élevés de fonctionnement d’une force de vente obligent l’entreprise à limiter le nombre de visites à la clientèle.
- Les commerciaux ont souvent la fâcheuse tendance de « négliger » les clients à faibles potentiels d’achat et perdent ainsi le contact avec de nombreux « petits clients ». Or, « certains de ces petits clients vont se développer » et c’est à ce moment là que l’entreprise devra être présente[4].
De surcroît, la fidélisation est devenue une nécessité due aux transformations des marchés. On constate une intensification de la concurrence et une maturité de plus en plus forte des clients : ils sont mieux informés, plus mobiles et plus exigeants. Face à ces contraintes, les entreprises doivent se restructurer, réduire leurs coûts et augmenter leur niveau de qualité.
Cependant, pour se distinguer d’autres prestataires, les entreprises s’efforcent souvent d’offrir de meilleurs qualités que leurs concurrents. Cette tendance vise finalement à satisfaire ou à dépasser les attentes des clients. Soulignons également que tous les concurrents font de même. L’offre est banalisée et la qualité standardisée. Dès lors la fidélisation est un enjeu particulièrement vital[5].
Les composants fidélisant d’une approche relationnelle
Les principaux critères d’efficacité d’un programme de fidélisation B-to-B sont présentés par J-M LEHU dans le tableau suivant[6] :
Il s’agit de professionnels en affaire avec l’entreprise, il importe donc de continuer à les traiter comme de véritables partenaires qui vont participer au programme et non comme de simples clients. | Programme de partenariat pour le bénéficiaire |
Parce que la cible est, en volume, peu importante (ou en tout cas moins importante que sur un marché grand public), il est nécessaire d’entretenir et de développer les relations tissées avec les clients. | Programme personnalisé pour chaque client |
Essentiellement du fait de la concurrence, l’entreprise initiatrice développe probablement déjà des programmes publicitaires et promotionnels qu’il convient de prendre en compte. | Programme complémentaire de la stratégie marketing |
A l’inverse du grand public, les professionnels connaissent, en général, beaucoup mieux l’entreprise. Le programme de fidélisation n’aura donc pas les mêmes objectifs quand au rapport émotion/rationalité. | Programme fondé sur un avantage rationnel et non un lien émotionnel |
Compte tenu de leur statut professionnels il est fort à parier qu’ils ne seraient pas réellement intéressés par de simples primes et autres avantages traditionnels d’un programme destiné au grand public. | Programme orienté services ou produits de l’entreprise initiatrice |
La fréquence des contacts entre professionnels est souvent plus espacée que celle rencontrée entre un professionnel et le grand public, notamment pour des produits de grande consommation | Programme adapté au rythme d’affaires de l’entreprise |
[1] SHETH J.N. « How Adults Learn Brand Preference – Le comportement du consommateur p 286
[2] Trucker W.T. dans le comportement du consommateur p. 286
[3] CRONIN et TAYLOR – dans la comportement du consommateur p. 253
[4] Dossier Infos MD – Stratégies commerciales efficaces
[5] Cap Gemini Ernst & Young : “ Les clés d’une stratégie client efficace “, site www.altis.fr, 1997-2000
[6] J-M LEHU : “ La fidélisation client “, Les éditions d’organisation, 1999, p. 144