Pendant des années, le STP (Segmentation – Targeting – Positioning) a été relégué au rang de chapitre poussiéreux dans les manuels de marketing. Un cadre théorique solide, certes, mais que beaucoup considéraient comme trop lent pour l’économie du temps réel.
Puis 2020 est arrivé, l’attention collective s’est effondrée, les cookies tiers se sont dissipés, et les marques se sont retrouvées face à un paradoxe : elles n’ont jamais eu autant de données, mais jamais si peu de compréhension profonde des gens qu’elles veulent toucher.
Bienvenue en 2025 : le STP n’est pas seulement de retour, il est devenu le squelette stratégique de toutes les marques qui performaient encore pendant que les autres tiraient dans le brouillard.
1. Pourquoi le STP revient au centre du jeu : la fin des illusions du “marketing à l’intuition”
Pendant longtemps, les entreprises ont confondu volume de données et connaissance client. Elles ont cru que quelques dashboards pouvaient remplacer la compréhension humaine. Elles ont fait tourner des campagnes Meta Ads « pour voir », dépensé « à l’aveugle », changé leurs messages au gré des tendances TikTok, et espéré que quelque chose – n’importe quoi – accroche.
Résultat : saturation, baisse de performance, et une question devenue obsédante dans les COMEX :
« Qui est réellement notre client stratégique ? »
Le STP redevenu essentiel s’explique par trois forces :
1.1. L’explosion du coût d’acquisition
Entre 2017 et 2025, le CAC moyen a augmenté entre 70 % et 250 % selon les secteurs.
Impossible de continuer sans un ciblage chirurgical.
1.2. La disparition progressive des datas faciles
La privacy-by-design, la mort annoncée des cookies tiers, la réglementation européenne :
Fin de la récréation.
Les segments n’existent plus « tout faits ». Il faut les reconstruire.
1.3. L’ère de l’hyper-pertinence
Les marques ne peuvent plus être “moyennement intéressantes pour vaguement tout le monde”.
Elles doivent être intensément pertinentes pour quelqu’un.
Et c’est précisément ce que structure le STP.
2. Segmentation : l’art de découper le réel sans l’assassiner
Une segmentation n’est pas un tableau Excel rempli de typologies imaginaires.
C’est une lecture stratégique du marché, pas un exercice décoratif.
Les meilleures segmentations 2025 ont trois caractéristiques :
2.1. Elles sont comportementales avant d’être socio-démographiques
L’âge n’explique rien.
Le revenu explique peu.
Le comportement explique tout.
Exemples contemporains :
- Dans la mode : opposition entre les acheteurs “drop culture” et ceux du “slow style”.
- Dans le tourisme : les “ritualistes” qui reviennent toujours au même endroit vs les “collectors” qui cochent des destinations.
- Dans la restauration : les “expérientiels”, les “pratiques”, les “valeurs-driven”.
Le comportement prédit l’action, et c’est exactement ce que le marketing cherche.
2.2. Elles identifient non pas des clients, mais des opportunités de croissance
La segmentation n’est pas un portrait de la société.
C’est un outil pour répondre à une seule question :
« Où réside la prochaine source de croissance rentable ? »
Les segments inutiles :
- Trop petits pour être intéressants
- Trop chers à convertir
- Trop éloignés du positionnement actuel
- Trop instables
Les segments qui comptent :
- Les insatisfaits du marché
- Les sous-servis
- Les émergents
- Les en rupture
2.3. Elles sont vivantes, pas figées
Les marques pré-STP pensent : « On a déjà une segmentation, elle a trois ans. »
Les marques post-STP pensent : « Notre segmentation évolue comme le marché. »
Les meilleures entreprises ont désormais :
- Une segmentation static (structure du marché)
- Une segmentation dynamic (signaux faibles, tendances, comportements fluctuants)
- Une segmentation first-party (ce que la marque apprend de ses clients)
L’époque où l’on construisait une segmentation « pour cinq ans » est révolue.
Aujourd’hui, une segmentation s’entretient comme un produit : en continu.
3. Targeting : choisir, c’est renoncer (et c’est enfin assumé)
Le targeting est l’étape la plus politique du STP.
Celle où les directions hésitent.
Celle où les agences se crispent.
Celle où le courage stratégique se révèle.
Parce qu’il faut arrêter de prétendre parler à tout le monde.
« If you speak to everyone, you speak to no one. »
— Seth Godin (toujours aussi pertinent)
Les marques qui gagnent en 2025 sont celles qui ont compris une vérité simple :
3.1. Le ciblage n’est pas une contrainte, c’est un multiplicateur
Cibler n’est pas exclure.
Cibler, c’est amplifier.
Choisir un segment prioritaire :
- augmente la pertinence des messages,
- augmente l’efficacité média,
- augmente la conversion,
- diminue le coût d’acquisition,
- renforce l’image de marque.
Cibler, c’est accélérer.
3.2. Il existe quatre stratégies de ciblage gagnantes en 2025
A. Le ciblage “precision premium”
Ultra-segmentation, ultra-pertinence.
Utilisé par les DNVB, les marques de niche, les SaaS.
B. Le ciblage “platform persona”
One persona per channel.
On ne parle pas pareil sur TikTok, LinkedIn, Meta.
C. Le ciblage “value buckets”
On cible les segments les plus rentables, pas les plus volumineux.
D. Le ciblage “situationnel”
On cible des moments, pas des individus :
décision, stress, changement de vie, transition, frustration.
C’est le targeting le plus moderne car basé sur des micro-moments d’intention.
4. Positioning : l’ADN créatif qui différencie ou tue une marque
Le positionnement, c’est la promesse fondamentale.
Le contrat psychologique.
La raison pour laquelle quelqu’un devrait vous choisir, plutôt que quelqu’un d’autre.
Un bon positionnement coche trois cases :
- Désirabilité — ça répond à un vrai désir latent
- Crédibilité — vous pouvez réellement le tenir
- Différenciation — personne d’autre ne peut le dire comme vous
Le positionnement n’est PAS :
- un slogan
- un moodboard
- une phrase powerpoint
- un paragraphe corporate
- un exercice d’image
C’est une boussole stratégique, ancrée dans le réel, qui oriente :
- le produit
- l’expérience client
- le pricing
- la distribution
- la communication
- les choix marketing futurs
5. Les erreurs STP les plus courantes — et comment les éviter
Erreur 1 : confondre segmentation et personas
La segmentation est stratégique.
Le persona est un outil opérationnel.
Les deux sont utiles, mais l’un découle de l’autre.
Erreur 2 : cibler trop large
Si tout le monde peut acheter, personne n’est prioritaire.
Erreur 3 : un positionnement trop abstrait
« Nous sommes innovants. »
« Nous plaçons le client au cœur. »
« Nous proposons une expérience unique. »
Rien de cela ne différencie.
Erreur 4 : ignorer le marché réel
Le STP n’est pas une introspection : c’est une lecture du terrain.
Ce que les clients pensent, pas ce que vous aimeriez qu’ils pensent.
Erreur 5 : penser que le STP ralentit
En réalité, il accélère tout :
les campagnes, le go-to-market, le ROI, la clarté interne.
6. Le futur du STP : données, IA et hypertargeting éthique
Le STP n’est pas menacé par l’IA ; il est amplifié.
6.1. L’IA permet la segmentation adaptative
Segments qui évoluent en temps réel :
propension, intention, signaux faibles.
6.2. Le targeting devient prédictif
L’IA identifie automatiquement les micro-moments favorables.
6.3. Le positionnement devient expérientiel
Non plus un message fixe, mais une sensation constante dans tous les points de contact.
6.4. L’éthique devient un avantage compétitif
Les marques qui segmentent intelligemment, sans manipuler, gagnent en confiance.
7. Conclusion : le STP n’est pas une méthode marketing. C’est un filtre pour prendre des décisions.
Le STP n’est pas un outil de cours.
Ce n’est pas une théorie.
Ce n’est pas un exercice obligatoire.
C’est une philosophie stratégique, une manière de lire le marché et de structurer l’offre.
Dans un monde saturé d’informations et de messages :
- La segmentation donne de la clarté.
- Le targeting donne de la précision.
- Le positionnement donne du sens.
Les marques qui maîtrisent le STP gagnent en vitesse, en cohérence, en rentabilité.
Celles qui l’ignorent continueront à dépenser sans comprendre, communiquer sans toucher, exister sans résonner.
Le STP n’est pas de retour : il n’est jamais parti.
Ce sont les marques qui l’avaient oublié.


